Les plus anciennes parures
Les perles de la grotte du Renne
Bien longtemps, il a été admis que la plus ancienne parure préhistorique provenait de France. Des dents de renard, de loup, de renne, d’ours et de marmotte, retrouvées sur le site d’Arcy-sur-Cure, dans la Grotte du Renne, datent de 35 000 ans. Elles ont été façonnées par des hommes de Néandertal pour être suspendues ensemble en collier.
Parure de la grotte du Renne
Arcy-sur-Cure. - 35 000 ans
Les coquillages de la grotte des Pigeons
Mais récemment, des archéologues ont mis à jour, au Maroc, dans la grotte des Pigeons à Taforalt, 13 petits coquillages de l’espèce Nassarius gibbosulus datant de 82 000 ans. Ils ont été retrouvés dans les restes de foyers, aux côtés de pointes de lance et d’os de chevaux sauvages et de lièvres.
Perles coquillages Nassarius gibbosulus
de la grotte des Pigeons (Maroc)
- 82 000 ans
Un usage symbolique
Deux chercheurs du CNRS, Marian Vanhaeren et Francesco d'Errico, ont étudié les coquillages de la grotte des Pigeons. Ceux-ci présentent des traces d'usure, « ce qui suggère qu'ils ont été durablement employés en colliers ou en bracelets ou bien cousus sur des vêtements ».
« Ils ont été ramassés morts, sur les plages marocaines, qui, à cette époque, étaient situées à plus de 40 km de la grotte des Pigeons ». « Tenant compte de l'éloignement de la côte à cette période et de la comparaison avec les altérations naturelles de coquillages de la même espèce échoués sur les plages actuelles », les deux scientifiques en ont déduit que « l'homme préhistorique avait choisi, transporté et très probablement perforé puis coloré en rouge ces coquillages pour une utilisation symbolique ».
- 100 000 ans
Les deux anthropologues ont également mis en évidence la similitude du type de perforation avec 3 autres coquillages, exhumés des tiroirs du British Museum de Londres et du Musée de l’Homme à Paris et collectés, dans les années 1930, sur les sites de Skhul en Israël et de Oued Djebbana en Algérie.
Les deux Nassarius de Skhul seraient vieux de 100 000 ans et celui de Djebbana de 90 000 ans, ce qui confirme une pratique ornementale très ancienne.
Les coquillages ont également été ramassés loin des sites où ils ont été retrouvés. Skul n’est pas à proximité de la mer et Oued Djebbana est situé à plus de 200 kilomètres de la Méditerranée.
Les perles de Skhul et de Djebbana
seraient les plus anciennes
- 100 000 et - 90 000 ans
Un sens social
Cette distance accrédite l'hypothèse que des hominidés ont transporté les coquillages montés en collier ou les ont échangés. « Les colliers et le comportement qui leur est associé sont intéressants à étudier parce qu'ils ont une vraie valeur symbolique. Quand nous portons de tels bijoux, nous émettons un message » décrypte Chris Stinger, professeur au Musée d’histoire naturelle de Londres.
« Le message » détaille-t-il, « peut expliquer qu’on est puissant, fortuné, séduisant, qu’on fait partie d’un groupe spécifique, ou bien qu’on veut éloigner le mal . Mais ils ne sont pas juste décoratifs. Ils ont un sens social ».
Pratiques ornementales différentes
Par ailleurs, note le CNRS, on observe « des différence remarquables entre les plus anciennes parures d'Afrique et du Proche-Orient d'une part, et de l'Eurasie d'autre part. Au contraire de l'Afrique et du Proche-Orient où ne figurent qu'un ou deux types de coquillages, en Eurasie, dès 40 000, ces objets sont caractérisés par des dizaines, voire des centaines de types différents » (au moins 160 types).
Selon Francesco d’Errico (CNRS, Bordeaux-I) il est possible que les Africains et les Méditerranéens aient voulu créer et conserver des liens entre groupes en portant des parures semblables, alors que les Européens, en utilisant des perles variées, cherchaient plutôt à marquer leurs différences.
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Sources : Communiqué CNRS (art. de Bouzouggar et al, PNAS, 4 juin 2007), Pour la Science, hominides.com, Scienceetavenir.com, Musée de la Préhistoire aux Eyzies.